Sarah Krespin

50°41'17,5''N/3°11'20,3''E

Sarah Krespin est née en 1993 à Londres. Elle vit actuellement à Paris et est titulaire d’un Master en recherche, création et plasticités contemporaines à l’École des Arts de la Sorbonne. Du fait d’un parcours à l’école Duperré et à la Sorbonne, elle s’intéresse autant à la technique et aux possibles offerts par le textile qu’aux interrogations contemporaines sur la place de l’incertitude dans l’art. S’opposant frontalement à l’idée d’une forme finale et définitive de l’œuvre, elle considère avant tout la sculpture comme un élément organique et évolutif. La forme qui est donnée à voir au cours d’une exposition n’est qu’un état physiquement arrêté d’une idée en transition. Le primat revient au geste. Il initie un travail qui n’est jamais préconçu et intervient au sein du processus de création à la fois comme conceptualisation et comme matérialisation d’une émotion ou d’une idée. L’œuvre est un dialogue intime autant qu’une interrogation. Dans quelle mesure peut-on donner corps à des incertitudes ? Des tentatives de réponses sont à chercher du côté de ses sculptures tissées ou de ses blocs de papiers suturés. Dans un temps long, silencieux et intime, Sarah tente de donner corps à ses incertitudes, de matérialiser ses propres errances.

Le geste chez Sarah est toujours conceptualisation et matérialisation d’un contenu intellectuel et émotif. Ses sculptures en papier recyclé, par exemple, sont obtenues au terme d’un cycle incessant de destruction et de reconstruction de la matière. Le papier trouvé est broyé pour créer un nouveau matériau, qui sera également détruit une fois achevé. La main déchire, froisse, troue puis entame un processus de reconstruction, de cicatrisation grâce à la couture. Inlassablement, le geste matérialise un état de résilience et devient lieu d’expression tangible de luttes intérieures.

Les séries de dessins montrent une évanescence des formes et des couleurs, obtenue par un processus d’effacement incessant du pigment. Confrontée à l’incapacité d’aboutir à une forme, l’artiste efface et redessine inlassablement des formes et des figures de couleurs qui prennent corps avant de disparaître. Sarah dessine comme on tente d’attraper un souvenir qui nous filerait entre les doigts. On assiste à des luttes lentes et pénibles. Celles de ces formes pour exister, celles de Sarah pour les exprimer en une image tangible. Ces silhouettes semblent se mouvoir, disparaître et apparaître dans des espaces brumeux indéfinis et uniformes.

Le questionnement relatif aux gestes se retrouve dans ses travaux de sculptures tissées. Les pièces possèdent la forme souple et chiffonnée d’un tissu ordinaire, figée le temps d’une exposition par l’usage du fil de cuivre qui garde la mémoire de la forme. Ces matières qui semblent laissées là, posées dans l’espace d’exposition, adoptent des formes hasardeuses qui peuvent être modifiées par l’artiste à chaque installation.

Les caractéristiques intrinsèques des matériaux donnent forme à l’objet. Si une partie du processus relève d’un système de construction répétitif et mécanique, l’autre déconstruit ce dernier pour faire naître une forme organique faisant écho au vivant. Ces dualités présentes au sein du travail pluridisciplinaire de Sarah interpellent le spectateur sur la nature aussi bien que sur l’identité de l’objet qu’il a en face de lui. Il se trouve face à des choses hybrides, des tentatives incertaines de donner corps.

Le geste commence là où s’arrête le discours. D’aucun peut-il encore affirmer sereinement ce qui constituera demain ? Le travail de Sarah traduit l’incertitude de son époque. Les temporalités semblent s’entrecroiser. Les possibles technologiques ouvrent des voies capables d’engager l’humanité dans des directions qui lui étaient alors inconnues. En parallèle, fondamentalisme religieux, catastrophisme climatique ou pandémie globalisées donnent à voir sous un jour très contemporain des craintes bien ancrées dans le fond dans la conscience humaine. Sarah parle de cela. Sans mot. Ses sculptures évoquent ces lieux étranges, ces anachronismes. Une masse de tissu laisse entre-apercevoir une forme fossilisée venue du fond des âges. Une autre évoque la ruine de la civilisation du béton et du métal. D’étranges formes sont données à voir, mais sous la chrysalide, on découvre le plus souvent un corps vide. L’ensemble tiendra un temps grâce à la suture, et une reconstruction suivra la chute. La résilience trahit un espoir timide mais opiniâtre. En ce sens, le travail de Sarah parle de demain. Il est le témoignage silencieux, intime et nerveux de sa volonté de faire émerger des corps de l’incertitude amniotique dans laquelle nous évoluons.

Axel FRIED

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