Laure Forêt
48°04'06"N/ 0°46'14"W
La peau est une enveloppe qui recouvre le corps et le délimite. Cette surface poreuse, entre l’intime et l’extérieur, donne un visage et une consistance à un intérieur invisible. Elle est un espace où affleure le temps, l’histoire personnelle et les émotions. Elle est un écran de projection d’une identité qui peut être difficile à assumer. La peau ne donne pas toujours à voir ce que l’on veut être. Elle devient un autre et révèle ce que l’on veut cacher. Elle trahit la pensée et contraint le dedans.
De cette frontière mouvante peut naître le décalage. Comment se définir alors que la pensée est parfois incohérente et que ce qui est à voir de nous-même change constamment. Comment communiquer et interagir avec l’autre quand il y a les limites du corps et du langage.
Être « mal dans sa peau » amène à chercher dans la profondeur et aux bords de cet organe. Le corps nu devient un espace avec lequel je me bats dans le blanc de la page. Le trait de crayon est comme la peau, une frontière poreuse. Les lignes se morcellent, se retournent et se recomposent. L’intérieur se remplit et déborde.
Corps flottants lestés dans la chair du papier. Organes en suspens sur les voiles transparents. La ligne et le fil tranchent pour lutter contre l’effacement, ils percent la surface comme on marque la peau. S’incarner en triturant, en écorchant, en dépiautant la feuille ou le tissu. Faire corps, faire peau neuve.
« Ce qu’il y a de plus profond en l’homme, c’est la peau. » Paul Valéry, L’idée fixe.